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Des outils de paléo-métallurgistes
dans les environs de Puyvalador en Capcir (Pyrénées-Orientales)

Introduction
Dans le cadre d'une opération de prospection
systématique sur le territoire de la commune de Puyvalador en Capcir
(Département des Pyrénées-Orientales), il a été
possible d'accéder à des collections privées, notamment
celle de Rose Cathala, qui possède quelques pièces intéressantes
et inédites pour ce département.
Les artefacts proviennent d'un site se trouvant sur
une moyenne terrasse du fleuve Aude qu'il domine à l'ouest. Cette
terrasse forme un replat assez important o? a pu s'établir vers
la fin des temps néolithiques, un habitat qui s'est maintenu jusqu'à
nos jours puisque le petit village de Puyvalador se retrouve à une
centaine de mètres au nord sur la même terrasse. Elle domine
au nord/nord-ouest le bassin sédimentaire de Puyvalador, aujourd'hui
recouvert en partie par une retenue d'eau artificielle. Au sud-ouest, s'élève
le Puig Péric, jusqu'à une altitude de 2810 m.; au nord,
les sommets qui encadrent le col des Hares et la sombre forêt du
Carcanet ferment l'horizon. Le bassin du Capcir est une dépression
sculptée par les glaciers du Carlit lors de la première glaciation.
Parmi le mobilier qui se retrouve habituellement
sur les sites de plein air du Néolithique final au Bronze ancien,
trois galets plus ou moins taillés et polis ont été
identifiés. Deux possèdent une cupule sur des faces opposées
et un possède une cupule sur une seule face.
Les outils de Paléo-métallurgiste
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Outil I - station des Coutius
Cet outil a été ramassé au sud
du village actuel de Puyvalador, au lieu-dit ' Les Coutius ', en même
temps que des fragments atypiques de céramique modelée et
de quelques haches polies.
Il s'agit d'une pierre de petites dimensions, dont
les mesures sont : 10.4 cm. de longueur, 6.1 cm. de largeur, pour une épaisseur
de 3.9 cm.
La couleur de la roche est verdâtre, avec des
reflets jaunâtres par endroit.
La forme est légèrement quadrangulaire.
Les angles et les bords ont été polis et présentent
des méplats qui correspondent sans doute à la mise en forme
de la pierre.
Les extrémités et les bords ne possèdent
pas de traces de piquetage.
Il existe une cupule sur chaque grande face de la
pierre. Ces creux se retrouvent donc en opposition.
La première cupule possède en diamètre
moyen de 1.6 cm pour une profondeur de 3 mm., et la seconde cupule un diamètre
moyen de 1.9 cm. pour une profondeur de 3 mm.
Ces cupules ont été obtenues par piquetage.
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Outil II - près des Coutius
La localisation précise de la découverte
de cet outil n'est pas connue. Il a été ramassé près
du village actuel de Puyvalador. Il doit sans doute provenir de la station
des Coutius.
Cette pierre de petites dimensions mesure 14.3 cm.
de longueur, 5.4 cm. de largeur, et 4.4 cm. d'épaisseur. Sa couleur
est d'un vert foncé uniformément réparti sur l'ensemble
de la pièce.
Sa forme est oblongue et rappelle un peu l'aspect
d'une hache polie. L'extrémité d'une des faces présente
un poli plus marqué. Toutefois, une cassure à cet endroit
ne permet pas d'identifier un outil particulier. Il a pu s'agir au départ
d'une hache polie, utilisée à d'autres fins lorsque son tranchant
fut émoussé.
Le reste de la pièce présente une surface
bouchardée aux lignes courbes. Les deux extrémités
sont cassées, certainement lors de l'utilisation de l'outil.
Cette pièce ne possède qu'une seule
cupule. Sa position sur la face o? elle est disposée, est légèrement
décentrée.
Cette cupule mesure en moyenne 2.3 cm de diamètre
et 4 mm. de profondeur.
Elle a été obtenue par piquetage.
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Outil III - près des Coutius
Cet outil a été ramassé près
du village actuel de Puyvalador, en même temps que l'outil II. Il
provient certainement de la station des Coutius.
Cette pierre est un galet quasiment rond de petites
dimensions qui mesure 7.4 cm. de longueur, 6.8 cm. de largeur, et 5.1 cm.
d'épaisseur.
La pierre est d'un blanc laiteux, veiné par
endroits de petites strates rougeâtres.
Sa forme, presque ronde et légèrement
aplatie de chaque côté, lui confère un certain archaisme
par rapport aux autres outils qui sont plus travaillés.
Sur le pourtour du galet, des plages de bouchardage
existent par endroits. Ces traces ont dû être obtenues lors
de l'utilisation du galet en tant que percuteur.
Il existe une cupule sur chacune des faces importantes
de la pierre. Ces creux se retrouvent donc en opposition de chaque côté.
La première cupule possède un diamètre
de 2.4 cm pour une profondeur de 3 mm. et la seconde un diamètre
de 1.7 cm. pour une profondeur de 2 mm. Cette dernière cupule a
été élargie. Il existe, accolé à celle-ci,
un début de creusement qui évoque une ébauche de cupule
avec, en moyenne, 1.2 cm de diamètre et une profondeur de 1 mm.
Ces cupules ont été obtenues par piquetage.
Cadre chrono-culturel
Ces trois outils retrouvés hors contexte archéologique
sont des marqueurs typiques d'une économie minière axée
sur le travail du cuivre. Ce fait a été établi lors
des travaux sur le complexe minier de Cabrières dans l'Hérault.
Ces recherches - essentiellement menées par Paul Ambert et Jean-Luc
Espérou - ont mis en évidence l'utilisation de ce type d'outil
dans la préparation du minerai de cuivre, bien que l'on ne connaisse
pas l'usage qui en était fait.
En ce qui concerne le cadre chrono-culturel du complexe
minier de Cabrières, celui-ci renvoie aux périodes du Chalcolithique
et du Bronze ancien. Sur le site de Roque-Fenestre, une datation effectuée
dans des fosses de lavage a établi que le site avait fonctionné
vers 1950 +/- 130 B.C. (Ly-2689). Les environs du complexe minier de Cabrières
ont livré un peu plus d'une trentaine d'outils de cette facture.
Deux autres outils de ce type ont été découverts,
l'un dans la civilisation d'El Argar en Espagne, l'autre en provenance
de Timna Valley dans le Sinai. Les galets à cupules sur faces opposées
se retrouvent aussi en dehors de tout contexte minier du moins en l'état
actuel de la connaissance archéologique des gisements qui ont livré
ce type d'outil. Dans l'Hérault, Jean-Luc Espérou signale
deux sites qui ont fourni chacun un galet à cupules, l'un dans un
contexte Bronze ancien sur le site du Puech Arnaud à Servian, et
l'autre dans un contexte vérazien, sur le site des Tribes, commune
de Bassan. L'outil du Puech Arnaud est d'ailleurs très proche de
l'outil II de Puyvalador.
Les publications mentionnent de tels outils sur d'autres
sites dans le sud de la France. Jean Vaquer en signale deux sur la station
de Cazarès, à Labarthe-Inard en Haute-Garonne. Il s'agit
de galets discoides possédant une cupule sur une face. Il en existe
un autre sur la station de Tersac à Saint-Christaud (Haute-Garonne).
Cet outil ressemble au précédent. C'est un galet circulaire
possédant une cupule sur chaque face.
A Valcabrère en Haute-Garonne, H. Breuil a
trouvé une ébauche d'herminette. Une cupule ronde est ébauchée
sur une des faces. Il est difficile de rattacher cet objet au travail du
minerai de cuivre, mais sa morphologie, très proche d'autres outils
de paléo-métallurgiste, invite à le classer parmi
ces outils.
Dans l'Aude, un fragment de galet à cupules
opposées a été retrouvé sur le site du Roc
d'en Gabi à Montredon près de Carcassonne. Tous les sites
qui ont livré ce genre de matériel sont datés du Chalcolithique.
En Espagne, existent aussi quelques gisements ayant
fourni ce type de mobilier, notamment à Can Tintorer o? deux galets
à cupules opposées ont été retrouvés
dans un contexte du Néolithique moyen. Il semblerait que ces outils
aient servi à l'extraction de 'callais'. Cependant, les mines de
Can Tintorer renfermant aussi du cuivre ont pu être utilisés
au cours d'une phase plus récente au travail de ce métal.
En l'absence de données supplémentaires,
si on ne peut pas affirmer que ce type d'outil était dédié
au travail du cuivre, il est cependant possible d'associer leur présence
à une exploitation minière, qu'il s'agisse de celle du cuivre
ou de celle de la 'callais'.
Les trois outils de métallurgiste de Puyvalador
ne sont pas des pièces uniques sur le pourtour méditerranéen
puisqu'il est possible d'en comptabiliser une cinquantaine d'exemplaires.
Ils soulèvent l'hypothèse de l'existence d'une économie
minière préhistorique dans la partie orientale des Pyrénées,
et plus précisément dans le bassin du Capcir, industrie dont
aucun vestige n'a été retrouvé à ce jour.
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